À propos de ce site
La vocation première de ce site était de devenir un site personnel. Mais dès la mise en pratique il s’est vite révélé que ça ne correspondait en rien aux conceptions du porteur du projet (je parle de moi à la troisième personne, je ne vois pas comment l’éviter en dépit de l’ambivalence que ça suggère) parce que d’une part ça coupait toute possibilité d’accueillir des contenus constitués par d’autres personnes sans donner l’impression de se les approprier, et d’autre part parce que cela suggérait, puisque le projet était avant tout de reproduire des travaux, une complaisance à l’idée que l’œuvre quelle qu’elle soit n’appartienne qu’à la seule personne qui la produise, et qu’il n’y ait rien à critiquer dans une posture qui l’affirme absolument.
Pour éviter tout cela et permettre entre autres de pouvoir questionner le rôle ambigu conféré à "l’artiste" dans la société contemporaine et en particulier la manière dont ce rôle légitime une société à la fois inégalitaire et construite sur des rapports interpersonnels de compétition, il est très vite apparu que l’ergonomie du site doive éviter dans sa forme deux choses :
– une hiérarchie d’organisation
– tout suggestion de parler ou de produire autrement qu’à titre personnel
La société actuelle je crois, tend à accorder une importance exagérée à qui s’exprime par rapport au contenu proprement dit de l’expression. C’est qu’elle éduque dans la dissociation de la valeur intrinsèque et universelle de tout être, toujours singulier, cherchant à nous asservir dans un rapport de compétition fondé essentiellement sur l’utilité supposée des uns et des autres dans son organisation.
Rompre avec cette dissociation est le seul moyen à notre portée si ce que nous souhaitons soit de voir émerger une sortie du pâté meurtrier que demeure la société barbare d’aujourd’hui : il faut à la fois n’y parler que pour soi, en évitant les chausse-trappe d’une organisation sociale nous encourageant constamment à nous exprimer au nom de tel ou tel groupe, et lutter consciemment contre toute affirmation exagérée de soi assimilable à une posture d’autorité.
Car "l’artiste" souvent est celle ou celui qui voudra se distinguer et s’égarera peut-être plus que d’autres dans le piège que lui tend la société : attendre rétribution sociale de son travail, accéder à statut distinctif de celui de n’importe qui selon elle ou lui ne mériterait pas autant d’écoute et de respect.
Je tiens à l’idée que toute production qu’elle soit ou non artistique appartienne à l’ensemble de la société qui la produise. Qu’il n’existe pas de rôle secondaire. Que l’activité réputée utile telle qu’elle s’entende de nos jours ne décrive que celle qui soit utile à l’accumulation insensée de capitaux, à la fuite en avant vers une société concentrationnaire sans aucun avenir pour les êtres et le vivant.
Il n’y a pas de demie-mesure ni de moyen de négociation avec un système qui n’accorde aucune valeur à la singularité de chacune et chacun et à la richesse potentielle que cette singularité apporte forcément à notre espèce dans son ensemble. Nous ne sommes pas des numéros, nous ne sommes pas des chiffres ou des unités, nous sommes toutes et tous des personnes et c’est à mon sens ce que devrait signifier tout simplement n’importe quelle œuvre : le résultat du hasard des vies, des facilités qui nous aient été offertes par d’autres, qui nous aient aidés et précédés, pour pouvoir produire.
Personne n’est secondaire et personne n’est exceptionnel. Toutes et tous nous sommes des êtres humains qui n’avons pas choisi où naître, dans quelle société ou dans quel milieu social. L’injustice, c’est d’affirmer le contraire, qu’on le fasse par des moyens alambiqués, par des gestuelles théâtrales ou même sans le dire, en le gardant par devers soi.
samedi 13 avril 2024, par
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